FAMILLE
L'adoption d'un enfant à l'étranger devrait être facilitée
Article paru dans l'édition du 13.04.05
Une proposition de loi déposée par les députés (UMP) Michèle Tabarot et Yves Nicolin devait être discutée mardi 12 avril. Elle vise à simplifier les procédures, complexes, longues et coûteuses. En 2004, sur 5 000 enfants accueillis dans des familles françaises, 80 % venaient de l'étranger

L'Assemblée nationale devait discuter, mardi 12 avril, une proposition de loi visant à SIMPLIFIER les procédures d'adoption, jugées lourdes et coûteuses. En 2004, 5 000 enfants ont été adoptés en France, dont 80 % d'étrangers. 25 000 foyers attendent un enfant. La loi vise à simplifier l'AGRÉMENT obligatoire accordé par les conseils généraux, qui « valide l'aptitude à accueillir un enfant ». Les députés proposent la création d'une Agence de l'adoption pour aider les parents. En RUSSIE, l'afflux de couples occidentaux souhaitant adopter des enfants russes a créé une réaction de repli et une restriction de l'adoption internationale. En COLOMBIE, le gouvernement, par le biais d'un organisme public et gratuit, contrôle strictement les départs d'enfants vers l'étranger, qui constituent la moitié des adoptions.


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ls sont des milliers, chaque année, à quitter la France pour quelques semaines, voire quelques mois, parce qu'ils souhaitent adopter un enfant. Certains sont aidés par des associations, mais beaucoup partent seuls, car les listes d'attente sont si longues qu'ils préfèrent se débrouiller sur place plutôt que de patienter des années. Depuis vingt ans, en France, les chiffres de l'adoption internationale ont explosé : en 2004, sur les 5 000 enfants accueillis dans des familles d'adoption, 80 % venaient de l'étranger. En 1980, ils étaient moins de 1 000.

Qui l'eut dit il y a un siècle, alors que l'adoption telle que nous la concevons - donner une famille à un enfant - était encore inconnue ? En 1804, le code Napoléon l'avait réservée aux couples sans enfants et aux enfants majeurs : l'adoption ne servait pas à accueillir des orphelins mais à transmettre le patrimoine des couples privés d'héritiers. « Ce n'est qu'après la première guerre mondiale, en 1923, que, prenant en compte le nombre important d'enfants rendus orphelins par le conflit, le code civil a autorisé l'adoption d'enfants mineurs », remarquait, en 2004, le rapport annuel de la défenseure des enfants, Claire Brisset.

Si l'adoption internationale a aujourd'hui pris une telle place, c'est parce que les enfants français adoptables sont devenus rares. Les pupilles de l'Etat, qui étaient près de 25 000 il y a encore trente ans, sont moins de 3 000 aujourd'hui : il s'agit de bébés nés sous X - leur mère a accouché anonymement - ou d'enfants plus âgés dont les parents, sauf cas de « grande détresse », se sont « manifestement désintéressés » d'eux, selon l'expression du code civil. « Sur ces 3 000 enfants, 1 000 sont adoptés chaque année, précise Michèle Tabarot, députée (UMP) des Alpes-Maritimes. Les autres sont souvent des enfants qui sont âgés ou qui présentent des handicaps. »

Aujourd'hui, les enfants viennent de tous les continents : en 2004, plus de 70 pays étaient ouverts à l'adoption contre une vingtaine dans les années 1980. Haïti, la Chine et la Russie représentent près de 40 % des procédures, mais les enfants viennent aussi du Vietnam, de la Colombie, du Cameroun, du Brésil ou de Corée du Sud.

Seuls les pays dont la législation est inspirée par le droit islamique restent à l'écart : en Algérie ou au Maroc, par exemple, l'adoption n'est pas reconnue comme un mode de filiation et seule la « kafala » permet de recueillir des enfants abandonnés, sans qu'ils acquièrent pour autant le statut de fils ou de fille dans leurs nouvelles familles.

LASSÉS PAR L'ATTENTE

En France, beaucoup de parents passent par un organisme autorisé pour l'adoption (OAA), qui les aide à constituer leurs dossiers et leur fournit, une fois sur place, guides et interprètes. « Nous organisons également des réunions qui permettent de faire mûrir le projet, explique Geneviève André, qui dirige l'unité adoption de Médecins du monde. Nous avons réalisé 2 400 adoptions depuis 1992 et nous savons que les parents se posent des tas de questions : faut-il le mettre à l'école dès son arrivée, changer son prénom, continuer à lui faire pratiquer sa langue maternelle ? Pendant l'année voire les deux années qui précèdent l'arrivée de l'enfant, nous avons le temps d'évoquer ces problèmes. »

Lassés par l'attente ou désireux de se débrouiller seuls, près de 60 % des parents préfèrent cependant partir seuls, même s'il faut pour cela affronter un pays lointain, une langue inconnue et une administration étrangère. « C'est ce que nous avons fait, raconte Yves Nicolin, député (UMP) de la Loire. De Paris, nous avons demandé à une Russe de nous aider, deux fois par semaine, à appeler des mairies, en Russie, pour leur demander si elles connaissaient des orphelinats. Jusqu'au jour où notre interprète a parlé à sa mère, infirmière en Sibérie : elle lui a dit qu'il y avait, dans son hôpital, une petite fille d'un an, abandonnée. Nous sommes partis là-bas en 1999 et nous avons ramené Margot. Nous avons ensuite adopté là-bas Mathilde, puis Victor. »

S'il y a de belles aventures, le monde de l'adoption compte aussi nombre de parents découragés par la complexité, la longueur et le coût des procédures. Pour les simplifier, les députés Yves Nicolin et Michèle Tabarot, soutenus par le ministre de la santé, des solidarités et de la famille, Philippe Douste-Blazy, ont déposé une proposition de loi qui sera débattue, mardi 12 avril, à l'Assemblée nationale.

« Nous voulons harmoniser les procédures et mieux accompagner les candidats à l'adoption, souligne M. Nicolin. Aujourd'hui, 25 000 foyers sont en attente d'un enfant alors que des dizaines de milliers d'enfants attendent de l'être à travers le monde. » Le premier volet de ce texte concerne les 8 000 agréments, délivrés tous les ans par les présidents de conseils généraux, qui ne constituent que la première étape vers l'adoption.

« AIDE ADMINISTRATIVE »

Aujourd'hui, les critères sont souvent mystérieux. « Chaque département fait ce que bon lui semble », résumait en 2004 la défenseure des enfants, Claire Brisset, en remarquant que le taux d'agrément variait de 66 % à 98 % selon les conseils généraux.

Les deux députés proposent également la création d'une agence de l'adoption. Les parents pourront continuer à emprunter les voies qui existent déjà, mais ceux qui le souhaitent pourront s'adresser à cette agence. « Elle informera les parents, leur apportera une aide administrative mais elle sera surtout à leur écoute, explique Mme Tabarot. Il faut les aider à constituer un dossier, leur fournir un guide et un interprète sur place et les accompagner tout au long de ce long parcours. »

Anne Chemin